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SMOOTH OPERATORS  
07/12/1998 - octopus 07/98
Pas étonnant que «Opera», premier album du duo viennois Tosca, soit le phénomène musical le plus abordable et le plus original en provenance d"Autriche depuis la déferlante Kruder & Dorfmeister. Plus actif que jamais, Richard Dorfmeister, acclamé autant pour ses travaux avec Peter Kruder que comme DJ, est également co-responsable de cet opéra «downtempo» aux saveurs cosmopolites !
Christophe Taupin

DESTINS CROISÉS.

Outre le fait de pouvoir compter sur un second membre, Rupert Huber, au penchant plus expérimental, l"atout majeur de Tosca réside dans la formation musicale de ses deux géniteurs. Loin des stéréotypes de « tripoteurs de boutons » et autres programmateurs de samplers collant aux artistes de leur espèce, Dorfmeister et Huber sont en effet, et avant tout, deux musiciens. Tous deux originaires de Vienne, ils se sont connus sur les bancs de l"école. « A l"époque, Richard et moi étions les seuls à être un peu doués en musique, explique Huber. Ensemble, nous avons formé différents groupes, l"un deux s"appelait « Delhi 9 » , une mauvaise prononciation de New Delhi; nous faisions alors une musique « ethno-soft » plutôt expérimentale. En fait, j"ai appris le piano très jeune, avant de m"intéresser plus tard aux techniques de mixage et d"enregistrement. Puis je me suis mis à la guitare, à la basse, et aux instruments traditionnels turcs. » De son côté, Dorfmeister possède une formation de flutiste et de pianiste classique, mais il joue également un peu de guitare. La virtuosité de ce dernier a incontestablement contribué au son si chaleureusement humain des productions de Kruder et Dorfmeister, ce célèbre duo de musiciens/DJs dans lequel Dorfmeister fait ses premières armes en matière de production et pour lequel il fonde son propre label : G-Stone.

Mais comment au juste deux amis d"enfance ont-ils pu se retrouver pour élaborer un album tel que «Opera»? Dorfmeister s"explique : «C"est un projet qui a mis longtemps à arriver à maturité. Après s"être revu il y a deux ou trois ans, on a décidé de travailler ensemble ; et cela s"est fait très naturellement. Le premier morceau («Chocolate Elvis») résultant de cette collaboration a été bien accueilli, donc nous n"avions aucune raison de nous arrêter là... et nous voilà aujourd"hui avec trois maxis et deux CDs sous les bras. Les morceaux d"«Opera» sont sortis avant l"album sur plusieurs 12"s, accompagnés de versions remixées par Fila Brazillia, Baby Mammoth, Beanfield, etc.

STOCKHAUSEN & TURNTABLES.

Ce qui, surtout, fait la richesse musicale et l"originalité de Tosca c"est la rencontre de deux personnalités très différentes : Richard Dorfmeister, Dj extraverti, boulimique de vinyles en quête de nouveaux sons, et Rupert Huber, garçon timide, plus à l"aise dans les galeries d"art que sur les dancefloors, dont le travail du son est à rapprocher de celui de Scanner. « La découverte de « Gesang der Jünglinge » de Stockhausen lorsque j"avais 12 ans a influencé mon travail, avoue Huber. Mais dans mes travaux personnels, j"explore des directions musicales aussi très différentes. Par exemple, récemment j"ai travaillé sur une partition de voix, que j"ai réadaptée en remplaçant les voix par des rythmes. La lecture de la partition en temps réel était visible sur internet et le son simultanément diffusé sur la Kunstradio viennoise ». Le morceau « Darb-I Fetih »,composé par Huber en 1996, aborde déjà la notion de mélange des langages, traitant la voix comme la musique. Le synopsis de cette pièce (lui aussi visible sur internet) présente les divers ingrédients musicaux (remontant à leurs origines) utilisés par l"artiste, ainsi que les aspects plus techniques de son travail. Cette démarche est pourtant l"inverse du processus employé sur « Opera » où, répétons-le, les voix sont utilisées comme des rythmes. Dorfmeister nous apporte à ce sujet son éclairage : « Avec Tosca, un de nos objectifs est de traiter la voix comme un instrument; pas de la poser sur la musique mais bien de l"intégrer... il importe aussi de créer des contrastes sonores entre les différentes voix. » Beaucoup de ces voix décomposées ont été collectées par Rupert Huber. Sa technique est simple mais significative : « j"utilise mon magnétophone comme une caméra » nous dit-il. D"où, peut-être, la série de clichés environnementaux et de voix d"origines diverses contenu dans « Opera » , que Huber et Dorfmeister combinent si promptement en rythmes et en ambiances. erait-ce également l"atmosphère locale qui soit si propice à l"expression d"une telle créativité ? En bon ambassadeur du son viennois Dorfmeister affirme avec malice que « l"atmosphère de Vienne se prête mieux aux rythmes lents... (rires). Les Viennois sont tellement lents et ennuyeux qu"il ne faut pas que ça aille trop vite pour qu"ils comprennent... D"un point de vue plus personnel, c"est le tempo que je ressens le mieux. »

PAROLES ET MUSIQUE.

Bien que Tosca ne revendique pas une approche si complexe, on peut aisément voir en « Opera » un album concept se divisant en ales et interludes. Les voix s"y succèdent tels un défilé d"acteurs et chanteurs sur une scène. Cet « Opera » du futur fait évoluer ces personnages dans un décor sonore dub/downtempo pourtant très réaliste. Les rôles principaux y sont évidemment tenus par les samples de voix « rythmiques » qui, comme un choeur grec, ponctuent magistralement l"oeuvre de leurs interventions. Mais ces rythmes humains sont contrebalancés par des voix « mélodiques » empruntées tantôt à l"opera, tantôt à un répertoire plus populaire, funk ou blues. Le grade de l"auditeur à travers cette fresque monochrome est, sans conteste, cette voix noire américaine évoquant une atmosphère urbaine. Une voix emblématique, celle de Miles Davis (donnant à ses musiciens des consignes sur l"exécution d"un rythme) qui, détournée et déclinée par Huber, devient le pilier d"« Opera »; un peu comme le clochard chantant « jésus Blood Never Failed Me Yet » , est la base de l"oeuvre éponyme de Gavin Bryars. Le cosmopolitisme est ici un leitmotiv puisque se croisent aussi bien des voix germaniques, afro-américaines que françaises ; des voix définitivement mises au service d"une production fine et évocatrice, souvent très club, comme sur « Fuck dub pt. 1 & 2 » , parfois plus feutrée comme pour l"amblent clair obscur d"« Amblent Emely ». Quant au travail de composition proprement dit, pour Dorfmeister, il semble plutôt flou. « Rien n"est établi à l"avance. C"est très intuitif... ça laisse une place à l"improvisation,.. » . Rupert Huber, lève le voile: « la plupart des samples (musicaux) que nous utilisons sont extraits de nos propres compositions, de morceaux que nous jouons et enregistrons nous-mêmes. » Un travail plutôt long à en croire le très cool Dorfmeister. «J"aime prendre mon temps, laisser mûrir chaque morceau, c"est pourquoi nous espaçons le plus possible les sessions d"enregistrement ». Le duo annonce pourtant qu"un deuxième album de Tosca pourrait voir le jour à la fin de l"année, ce qui laisse croire que l"infidélité de Dorfmeister envers Kruder pourrait bien tourner au divorce.

Même si le duo, comme l"a expliqué Dorfmeister, a décidé de mettre la pédale douce sur les remixes pour se concentrer sur son propre travail ; Tosca a récemment retravaillé deux productions du label Dorado et offert quelques inédits à des compilations : l"excellent « Ocean Beat » sur Future Sound of Jazz Vol. 4 (Compost) et « The Key » sur le prochain volume de « Freezone » (SSR).

KRUDER & DORFMEISTER.

Malgré une activité remarquable, K&D ne sort qu"un EP, en 1993 (« G-Stoned »), dont le son, cinq ans après n"a pas pris une ride. Ce maxi ne connaît malheureusement qu"un succès relatif de par la médiocrité de sa distribution. C"est plutôt à travers les morceaux inédits qu"il éparpille sur quelques compilations (entre autres pour Ninja Tune, Freezone, et United Future Organisation) et surtout par le nombre vertigineux de remixes qu"il va signer, que le duo obtiendra la reconnaissance ; K&D commettra d"ailleurs le meilleur album de la série DJ Kicks du label berlinois K7 et remixera à tours de bras. Dorfmeister nous en parle: « A l"époque, on trouvait ça plutôt excitant de remixer les travaux d"artistes connus, mais aujourd"hui, avec Tosca nous ne collaborons qu"avec les gens que nous apprécions, pour mieux nous concentrer sur notre travail ».Les artistes concernés sont ceux du label Pork (Fila Brazillia, Baby Mammoth...), Rockers Hi‑Fi, les labels Compost, Shantel, Uptight .... des musiciens qui comme lui ont une approche très « cool » du son.

Aujourd"hui, l"aventure Kruder & Dorfmeister pourrait-elle s"arrêter? Ceci semblait en effet possible, jusqu"à ce qu"on apprenne la sortie prochaine de leur premier véritable album commun. D"ailleurs Tosca n"est pas la première infidélité de Dorfmeister à Kruder, puisqu"il a déjà pris part, sous les traits de Dr Richard, à un E. P intitulé « 12.000 feet » , en compagnie d"Umberto Gollini et Stewart Kant sur Craft. II côtoie régulièrement les activistes de Sabotage, ainsi que Patrick Pulsinger et les habitués de Cheap (label de ce dernier).

QUOI DE NEUF DR RICHARD?

Sofa Surfers, Shantel, Sabotage,... L"Autriche, et plus spécialement Vienne, s"est métamorphosée ces derniers temps en un pourvoyeur de nouveaux talents. Richard Dorfmeister nous explique que la scène viennoise, telle qu"on la connaît aujourd"hui, ne s"est pas faite en un jour : « En 1993, à Vienne, il n"y avait rien. Quand, avec Kruder, on a commencé à travailler sur « G-Stoned » , les gens nous disaient qu"on avait aucune chance, que ça ne marcherait pas... Et aujourd"hui, grâce au succès de Patrick Pulsinger, puis au notre, une motivation est apparue, les gens ont pris confiance en eux et on a assisté à l"émergence d"une scène viennoise. Mais je crois que c"est la même chose qu"en France, avant 93, vous n"aviez pas grand chose, à part Gainsbourg... En plus chez vous, les majors prennent part au mouvement : par exemple Virgin, avec Source... A ce niveau là, l"organisation en Autriche est désastreuse... les Allemands sont bien meilleurs ; mais tu sais... (rires)... les Autrichiens restent des montagnards qui écoutent de la musique traditionnelle. »

Et plus généralement Monsieur le « vinyl junky » (comme il se qualifie lui-même), quels sont les disques qui passent le plus sur vos platines en ce moment et vos albums préférés de 1997 ? « En ce moment, j"écoute beaucoup de club. En jungle, il devient difficile de trouver de bonnes choses... II n"y a rien eu depuis septembre dernier... J"aime bien la houle quand la production est un peu club. L"an passé, j"ai aimé... le DJ Kicks de Rockers Hi-Fi, toutes les sorties de Pork, l"album de David Holmes, il est très fort... mais aussi des choses plus électroniques comme Jammin"Unit, Burger Ink... Ainsi, alors qu"un deuxième album de Tosca se profile, Dorfmeister a rejoint Peter Kruder pour l"album tant attendu de nos pionniers viennois. Rupert Huber n"est toutefois pas en reste : il a sorti l"été dernier, en compagnie de Sam Auinger, un CD + CD Rom intitulé « Berliner Theorie » ; et a également organisé, il y a quelques semaines, le festival viennois « Ars Electronica » , dans le cadre duquel il a présenté une nouvelle composition -préfigurant peut-être de son devenir musical - qu"il définit sans frêmir comme « un combat entre musiques vocales et instrumentales » .

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